Méditation du père Jacques Philippe

La prière dans ce temps de confinement

 

Nous vivons tous une expérience de fragilité et d’incertitude à cause du Covid. C’est une invitation à nous rapprocher de Dieu notre Rocher, à nous ressaisir dans notre vie de prière. Chaque jour nous sommes inondés de nouvelles pas toujours très réjouissantes. Pour ne pas tomber dans l’inquiétude ou la déprime, il nous faut retrouver ou approfondir ce contact avec Celui qui nous aime infiniment et qui ne demande qu’à nous soutenir et à nous encourager.

Nous avons un grand besoin de nous remettre régulièrement sous le regard de Dieu, d’accueillir sa douce présence, de nous nourrir de son amour et de sa parole. C’est là, auprès du Dieu de la paix, de cet « Océan de paix qu’est la Trinité Sainte » (comme dit Catherine de Sienne) que nous pourrons trouver un peu de cette paix du cœur qui nous est si nécessaire, pour affronter dans la foi et l’espérance les situations qui sont les nôtres. Un chrétien qui ne prie pas est un chrétien en danger, disait Jean-Paul II dans son exhortation apostolique Novo millenio Ineunte publiée à l’aube du troisième millénaire.

Une prière de pauvre

Pour que notre prière soit féconde, qu’elle nous donne la paix, qu’elle fortifie notre foi et augmente notre charité, elle n’a nul besoin d’être une prière fantastique.

On peut se sentir parfois pauvre, distrait, sans goût ni enthousiasme, cela n’a aucune importance. Je dirais même le contraire : cela oblige notre prière à être non pas une belle réalisation dont on pourrait être fier, mais à devenir le cri d’un pauvre.  « Un pauvre a crié, Dieu écoute » dit le Ps 33. C’est la seule prière qui traverse les cieux.

Pour qu’elle nous fasse réellement toucher Dieu, (et nous laisse être touchés par lui), notre prière n’a pas besoin de lumières particulières pour l’intelligence, ni de consolations pour la sensibilité, elle a seulement besoin d’être fidèle et persévérante, d’être un acte sincère de foi et de confiance, d’exprimer un vrai désir d’aimer.

J’aime les mots d’un jeune philosophe chrétien français, Martin Steffens :

Dans l’ordinaire de notre vie, nous partageons au monde nos aptitudes. Dans notre prière, nous offrons notre part d’impuissance. C’est ce qui la rend toujours possible et actuelle… Il n’est jamais besoin d’attendre que les conditions soient idéalement réunies, si ce que nous offrons dans la prière, c’est notre humble condition de femmes et d’hommes. (Journal La Croix du 17 avril 2020)

Le monde a besoin de notre prière

Je pense aussi que le monde a absolument besoin de notre prière. Il a besoin d’être visité et touché par la miséricorde de Dieu ; c’est seulement dans ce contact avec Dieu qu’il sera renouvelé et sauvé. Les remèdes humains, les solutions sociales et politiques, sont insuffisantes. Il nous faut être comme ces veilleurs dont parle le prophète Isaïe dans le chapitre 62 de son livre, que Dieu a postés sur les murailles de Jérusalem. Ils ne se taisent ni de jour ni de nuit pour rappeler à Dieu ses promesses, ils ne doivent laisser à Dieu aucun repos tant qu’il n’ait accordé son salut à la cité sainte ! Comme la veuve de l’évangile face au juge inique, nous ne devons pas  laisser Dieu tranquille tant qu’il ne nous ait pas fait justice, c’est à dire qu’il ait fait miséricorde au monde.

Il y a un grand besoin d’intercession aujourd’hui : pour l’Eglise, les chefs d’états, les responsables économiques, les soignants, les malades, toutes les personnes qui vivent de manière difficile et douloureuse les conséquences de la pandémie etc. Chacun doit exercer, en vertu de son sacerdoce baptismal, un ministère d’intercession, et demander au Saint-Esprit de lui faire comprendre quelles sont les intentions que Dieu lui confie particulièrement, parmi les innombrables nécessités du monde et de l’Eglise. Je ne dois pas prier seulement pour les intentions qui me vienne spontanément, (mes besoins, ceux de mes proches…) mais aussi pour celles que Dieu lui-même me confie. Je serai d’autant plus certain que ma prière sera féconde si elle ne vient pas de mes propres sentiments, mais si elle m’est demandée par le Seigneur.

 » Attire-moi, nous courrons ! « 

Cette prière pour le monde doit souvent s’expliciter, mais elle peut aussi rester implicite. Dans ses réflexions sur la prière, Thérèse de Lisieux nous rappelle qu’il n’est pas toujours besoin de formuler toute nos demandes, qu’il suffit parfois simplement de nous tenir en présence de Dieu, de nous laisser attirer par lui, pour que, à notre suite, un grand nombre d’âmes se mettent à courir vers Dieu. Elle interprète ainsi la phrase du Cantique des Cantiques : « Attire-moi, nous courrons ! »

Le simple fait de se tenir dans le silence de l’adoration, d’être là pour Dieu et pour lui seul, pour sa gloire et rien de plus, comme un cierge qui se consume en silence, attire beaucoup d’âmes à Dieu !

Dieu n’exauce pas toujours nos prières exactement comme nous l’imaginons, mais la prière change toujours quelque chose en nous et dans le monde. Elle attire la présence de Dieu, elle fait venir le Royaume.

Une prière eschatologique

Il me semble que dans les temps si particuliers que nous vivons, notre prière doit avoir une forte dimension eschatologique. Nous ne connaissons pas les temps et les moments que le Père a fixés dans sa sagesse souveraine, mais nous sommes clairement aujourd’hui face à la fin d’un monde. Nous sommes dans l’un de ces moments très particuliers de l’histoire, comme ces mouvements tectoniques très profonds qui marquent un changement d’ère géologique. Selon les paroles de Paul dans la lettre aux Romains, la création elle-même soupire et gémit dans l’attente de sa rédemption. Le monde connaît ces douleurs d’enfantement qui préparent la venue des Cieux nouveaux et de la Terre nouvelle. La demande du Notre Père : « Que ton Règne vienne ! » prend une intensité particulière aujourd’hui. Le cri le plus profond de notre prière doit être celui que profèrent l’Esprit et l’Epouse dans la finale du livre de l’Apocalypse : Viens Seigneur Jésus ! Maranatha !

Visitez le site de la Communauté des Béatitudes

© copyright – Communauté des Béatitudes